- PARTICULES (DÉTECTEURS DE) - Détecteurs à visualisation
- PARTICULES (DÉTECTEURS DE) - Détecteurs à visualisationIl existe des détecteurs permettant de matérialiser les trajectoires de particules ionisantes et de les photographier ; on peut ensuite procéder à un examen visuel du résultat. Seules les particules chargées sont ionisantes et leur trajectoire peut donc être directement observée. Les particules neutres ne peuvent être détectées qu’indirectement, soit lorsqu’elles se désintègrent en plusieurs particules chargées, soit lorsqu’elles interagissent au sein même du détecteur en donnant lieu à l’émission de particules chargées.Ce n’est pas, en général, la photographie de la trajectoire d’une particule isolée qui présente un intérêt. Les deux classes de phénomènes que l’on étudie sont les interactions des particules entre elles et leurs désintégrations . Dans le premier cas, une particule incidente entrant en collision au sein du détecteur avec les nucléons des noyaux (un proton ou un neutron) donne naissance à plusieurs particules nouvelles; dans le second cas, une particule instable se décompose spontanément en plusieurs particules de masse plus faible. Ce sont les caractéristiques de l’ensemble des particules produites que l’on souhaite observer et mesurer. Une des caractéristiques des détecteurs visuels est leur lenteur. En effet, sauf dans le cas des émulsions nucléaires qui permettent un enregistrement continu des phénomènes, le mode de fonctionnement de ces détecteurs impose un délai relativement long entre les enregistrements successifs d’interactions. En outre, si les techniques visuelles offrent l’avantage de permettre un examen détaillé de chaque interaction, elles entraînent une exploitation assez lente des résultats et souffrent donc d’une limitation statistique des données obtenues.1. La chambre à étincellesLa chambre à étincelles est un détecteur qui fut beaucoup utilisé en physique des particules pour localiser les trajectoires des corpuscules électriquement chargés.Une chambre à étincelles est faite d’un ensemble d’électrodes parallèles séparées d’environ 1 centimètre et plongées dans un gaz noble à la pression atmosphérique. Les collisions sur les électrons atomiques du gaz induites par le passage d’une particule chargée éjectent des électrons d’ionisation. Ceux-ci peuvent acquérir suffisamment d’énergie dans un champ électrique assez fort (10 kV/cm) pour produire à leur tour des collisions ionisantes. La multiplication électronique ainsi réalisée peut être poussée au-delà du régime proportionnel et donner lieu, lorsqu’elle atteint 108, à des étincelles électriques qui se développent le long de la trajectoire de la trace ionisante.Les électrons d’ionisation subsistent dans un gaz noble (hélium, néon, argon...) pendant quelques microsecondes. Cette propriété de mémoire permet de sélectionner certaines des particules qui traversent la chambre par le déclenchement conditionnel du champ électrique interélectrodes. Une impulsion de tension est en général produite par la décharge d’un condensateur à travers un commutateur (thyratron gazeux, éclateur) commandé par un signal de déclenchement (fig. 1).Après l’apparition des étincelles, l’espace interélectrodes est peuplé d’ions qui diffusent lentement. Le temps, de l’ordre de 10 millisecondes, que met la chambre pour perdre le souvenir d’une trajectoire de particule après un déclenchement est appelé le temps mort.La chambre à étincelles a été universellement utilisée en physique expérimentale des particules élémentaires durant la décennie 1960-1970. La chambre proportionnelle et la chambre à dérive (G. Charpak, 1982) l’ont rapidement supplantée ensuite en raison, entre autres, de leurs meilleures propriétés de mémoire et de temps mort qui autorisent des fonctionnements dans des flux intenses de particules. Cependant, des variantes de la chambre à étincelles qui possèdent des propriétés très particulières sont utilisées aujourd’hui: la chambre à streamers et la chambre à plasma décrites ci-dessous.2. La chambre à «streamers» ou chambre à dardsLa chambre à «streamers», développée initialement par des laboratoires soviétiques dès 1964, est un dispositif dérivé des chambres à étincelles. Il s’agit d’une enceinte contenant un mélange de gaz nobles (par exemple: hélium-néon), entre deux électrodes planes et parallèles, dont la distance peut atteindre plusieurs dizaines de centimètres. La particule incidente est dirigée parallèlement aux électrodes et, dans les quelques nanosecondes qui suivent son passage, un champ électrique très élevé, de quelques dizaines de kilovolts par centimètre, est appliqué durant 20 nanosecondes. Pendant ce temps très court, les électrons et les photons, produits lors de l’ionisation primaire due au passage de la particule chargée, développent de courtes avalanches perpendiculairement aux électrodes; en effet, ces éléments ionisent ou excitent, à leur tour, les atomes dans un très proche voisinage, produisant des sortes de «gouttelettes» de plasma (des streamers) le long de la trajectoire de la particule ionisante. Lors de leur désexcitation, les atomes contenus dans ces «gouttelettes» émettent des photons, et la trajectoire de la particule est matérialisée par une succession de petits points lumineux. Elle peut être alors enregistrée sur un film photographique ultrasensible. Aux caméras de prise de vues sont fréquemment associés des systèmes d’intensificateur d’image, la lumière émise étant de faible intensité.Les chambres à streamers sont généralement immergées dans des champs magnétiques élevés de 1 à 1,5 tesla qui ont pour effet de courber les trajectoires, ce qui permet la mesure de leur impulsion et la détermination de leur signe. Par ailleurs, on leur associe des compteurs à scintillation qui permettent de sélectionner les particules ayant donné lieu à des interactions et de déclencher la chambre et le dispositif photographique de manière sélective.Dans les chambres classiques de grand volume (de plusieurs mètres cubes) fonctionnant à la pression atmosphérique, la taille des streamers est de l’ordre de 0,5 à 1 mm. Cependant, des chambres de haute précision ont été mise au point en vue d’applications plus spécifiques, comme la détection de particules à vie très courte (de l’ordre de 10-13 s), dont la trajectoire est de quelques centaines de micromètres. En combinant de très hautes pressions de l’ordre de 20 bars et des champs électriques particulièrement élevés (300 kV/cm), on a pu atteindre une résolution spatiale de 30 猪m.La limitation la plus sévère des chambres à streamers – que l’on retrouvera, pour les mêmes raisons, à propos des chambres à bulles – réside dans les faibles statistiques qu’elles permettent d’accumuler.3. La chambre à plasmaCe type de détecteur, appelé très souvent chambre à tubes-flash (Converti et Brosco, 1973), rend possible des réalisations de très grand volume grâce au faible coût du matériau utilisé. Aujourd’hui, des détecteurs de plusieurs dizaines de mètres cubes sont en fonctionnement. Des cellules de section de quelques millimètres carrés et de grande longueur, obtenues par extrusion dans des panneaux de polypropylène, sont placées entre deux électrodes; l’ionisation, produite par le passage d’une particule chargée dans une cellule, engendre, lors de l’application d’un champ électrique inter-électrodes, un plasma lumineux qui se développe très rapidement sur toute la longueur de la cellule. Le moyen le plus naturel de recueillir l’information sur les trajectoires des particules consiste à utiliser des procédés optiques: caméra à film ou caméra vidéo. Cependant, les phénomènes électriques associés au plasma se prêtent facilement à une lecture digitale et à un traitement par informatique.Caractéristiques essentielles et conditions de fonctionnementLes plaques de polypropylène utilisées aujourd’hui ont des dimensions de plusieurs mètres carrés: 1,5 憐 6 m2 (les valeurs citées font référence au détecteur utilisé pour la mesure de la durée de vie du proton dans le tunnel du Fréjus). Après extrusion, les plaques sont divisées en 256 cellules de 5 憐 5 mm2. Les faces supérieures et inférieures sont recouvertes d’une mince feuille d’aluminium de 0,05 mm d’épaisseur sur lesquelles est appliquée une haute tension de 7 kV. Le gaz ionisant remplissant la chambre est un mélange de 30 p. 100 d’hélium et de 70 p. 100 de néon (néogal). Le délai d’application de la haute tension, après le passage de la particule, ne doit pas excéder 1 猪s. La durée de l’impulsion haute tension est de l’ordre de 1 milliseconde et le temps mort nécessaire à la résorption du plasma après l’avalanche est d’environ 4 secondes. Cette dernière caractéristique interdit pratiquement l’utilisation des chambres à plasma pour les expériences réalisées auprès des accélérateurs, à cause du haut taux de répétition requis. Par contre, elles sont particulièrement bien adaptées pour les expériences étudiant des phénomènes peu fréquents, comme le sont les chambres à plasma soumises au seul rayonnement cosmique et pour lesquelles le volume de détection doit être le plus grand possible. C’est ainsi que le détecteur du Fréjus est constitué, entre autres, de 1 million de tubes-flash occupant un volume de 400 m3.Un tel nombre et de telles dimensions interdisent une acquisition par système optique sur film. La lecture de l’information se fait électroniquement. Le signal électrique, engendré par le plasma, est recueilli à l’extrémité du tube par une électronique d’acquisition très simplifiée ne nécessitant aucune amplification, ce qui réduit d’autant le coût de fabrication.4. L’émulsion nucléaireLa sensibilité de l’émulsion photographique au rayonnement nucléaire avait permis à Antoine Becquerel de découvrir la radioactivité naturelle en 1896. Ce n’est que vers 1925 cependant qu’il fut établi que des trajectoires individuelles de protons lents ou de particules 見 pouvaient être détectées grâce aux émulsions.L’émulsion photographique est composée de grains de bromure d’argent (AgBr) dispersés dans de la gélatine. Lors de son passage dans l’émulsion, une particule chargée ionise des grains de bromure d’argent. Ces grains ionisés sont transformés en argent métallique lors du développement. Après fixation et rinçage pour éliminer le bromure d’argent non ionisé, les grains d’argent alignés le long des trajectoires des particules sont observés au microscope. Les émulsions photographiques usuelles n’ont pu être utilisées en l’état pour l’étude des particules. Leur faible sensibilité permettait seulement la détection de particules extrêmement ionisantes, c’est-à-dire de très faible énergie. La faible épaisseur d’émulsion (moins de 10 猪m) ne permettait d’observer que des particules en incidence rasante. De longs travaux permirent d’aboutir en 1948 à des émulsions sensibles aux particules de très grande vitesse et donc à faible pouvoir ionisant. Appelées émulsions nucléaires, elles diffèrent des émulsions ordinaires par leur haute teneur en bromure d’argent, en grains très fins (de taille inférieure au micromètre) et sont déposées en couche épaisse (de plusieurs centaines de micromètres) sur un support de verre. Des perfectionnements ultérieurs permirent de constituer des empilements de feuilles d’émulsion sans support et de grande dimension constituant un volume de plusieurs litres. Après exposition en ballon, au rayonnement cosmique ou devant un faisceau d’accélérateur, ces feuilles, repérées entre elles aux rayons X, sont collées sur un support de verre et développées séparément. La trajectoire d’une particule peut ensuite être suivie de feuille en feuille au microscope. Ce détecteur présente des intérêts multiples: il permet un enregistrement continu durant des temps d’exposition de plusieurs heures ou de plusieurs jours; sa densité (4 g/cm3) et donc son pouvoir de ralentissement sont élevés, ce qui permet d’observer une fraction importante des particules jusqu’à l’arrêt; son pouvoir de résolution spatiale, de l’ordre du micromètre, est le plus élevé de tous les détecteurs utilisés.Les émulsions nucléaires ont été l’outil de découvertes importantes en physique des particules; citons entre autres celle du méson 神 par C. M. Lattes, H. Muirhead, G. Occhialini et C. F. Powell en 1947 (fig. 2) et leur contribution peu après dans la découverte des particules étranges chargées. Progressivement délaissées à la fin des années cinquante, essentiellement en raison de la lenteur de l’observation au microscope, elles ont récemment été remises à l’honneur pour l’étude de nouvelles générations de particules dotées de nouveaux nombres quantiques, appelés le «charme» et la «beauté». Par ailleurs, des moyens automatisés d’observation ont accéléré l’exploitation des résultats.5. La chambre à brouillardLa première chambre à brouillard a été mise au point en 1911 et a valu le prix Nobel à son inventeur, le physicien anglais C. T. R. Wilson. Jusqu’au début des années cinquante, ce détecteur a été pratiquement le seul utilisé, avec le compteur Geiger, par les physiciens des particules élémentaires. La chambre à brouillard fonctionne selon le principe suivant: dans une enceinte fermée par un piston se trouve le mélange d’un gaz non condensable (par exemple de l’air ou de l’argon) et d’une vapeur saturante (par exemple de l’eau ou de l’alcool éthylique) à la température ambiante. Un déplacement rapide du piston provoque une détente sensiblement adiabatique du volume gazeux qui se refroidit de telle manière que la vapeur devienne sursaturante et tende à se condenser en gouttelettes liquides. Cette condensation se produit de préférence sur les germes présents dans le gaz. De tels germes sont notamment constitués par les ions que laisse après son passage toute particule porteuse d’une charge électrique (proton, particule 見, électron, etc.) ayant traversé le gaz. C’est, à l’échelle atomique, un phénomène assez analogue à celui que chacun peut observer lorsqu’un avion circule à haute altitude et que sa trajectoire se trouve matérialisée par la condensation de vapeur d’eau sur les ions contenus dans les gaz d’échappement des moteurs.La chambre à brouillard a joué un rôle important dans l’étude du rayonnement cosmique et a permis des découvertes capitales en physique des particules élémentaires: découverte du positron, ou électron positif, par C. D. Anderson en 1932, du lepton 猪 en 1937 et des particules étranges dans l’immédiat après-guerre. Cependant, ses limitations en ont totalement supprimé l’emploi auprès des accélérateurs de particules. En effet, il n’est pratiquement pas possible de répéter les détentes d’une chambre à brouillard à une cadence supérieure à une par minute, alors que les accélérateurs de particules auxquels ces appareils doivent être associés ont des cadences de 10 à 20 cycles par minute et parfois plus. Par ailleurs, le gaz de la chambre joue le double rôle de détecteur en tant que milieu ionisable et de cible pour l’étude des interactions. Comme la densité du gaz est très faible, la probabilité d’une collision entre une particule projectile et un noyau cible serait extrêmement petite et le rendement de l’appareil très insuffisant.6. La chambre à bullesInventée en 1952 par le physicien américain D. Glaser, la chambre à bulles a été l’un des détecteurs les plus employés sur les aires expérimentales entre les années 1955 et 1970. Remplacée par les détecteurs électroniques aux possibilités plus diversifiées et au rendement très nettement supérieur, elle a gardé jusqu’au milieu des années quatre-vingt un intérêt particulier pour certains types d’expériences. C’est le seul détecteur en effet, avec l’émulsion nucléaire, qui joue simultanément le rôle de cible et de détecteur et permet l’observation directe du point d’interaction.Mode de fonctionnementDans la chambre à bulles, le milieu sensible est un liquide maintenu à une pression légèrement supérieure à celle qui, à la température choisie, permettrait l’ébullition du liquide.Quelques millièmes de seconde avant que les particules provenant d’un accélérateur soient envoyées dans le liquide, on provoque un abaissement brutal de la pression en déplaçant très rapidement le piston qui ferme la chambre, de manière à amener le liquide dans les conditions où, normalement, il doit se mettre à bouillir. Cependant, cette ébullition commence avec un certain retard et de préférence en des points qui constituent les germes susceptibles d’amorcer la formation de bulles.Le passage des particules chargées arrivant dans le liquide ainsi décomprimé crée de tels germes, et la formation de bulles commence le long de leurs trajectoires. Très rapidement après le passage de ces particules, alors que le diamètre des bulles n’est encore que de quelques dizaines ou de quelques centaines de micromètres selon le cas, le liquide est éclairé par un flash et on prend une photographie des bulles dessinant la trajectoire des particules.Pour éviter que les bulles ne grossissent et que l’ébullition ne se généralise à tout le liquide, il faut le plus vite possible – soit quelques millisecondes après la photographie – recomprimer le liquide et revenir aux conditions initiales. Le cycle est ainsi terminé et l’opération peut recommencer à tout instant, dès que l’accélérateur est prêt à fournir un nouveau jet de particules (fig. 3).Différents types de chambres à bullesLes chambres à bulles peuvent être utilisées avec des liquides de nature différente, choisis selon les études que l’on se propose de faire, et se présentent selon deux types principaux.Un premier type est constitué par les chambres qui utilisent l’hydrogène liquide travaillant sous une pression de quelques kilogrammes par centimètre carré et une température d’environ 27 kelvins (face=F0019 漣 246 0C). L’intérêt que présente l’emploi de ce liquide est essentiellement lié au fait que le noyau d’hydrogène est composé d’un seul proton. Ainsi, comme une partie importante de la physique des particules repose sur l’étude de l’interaction de particules projectiles de divers types sur le nucléon, il est de première importance de disposer de nucléons cibles à l’état libre. Lorsqu’on veut étudier les chocs sur neutron, on remplace l’hydrogène par du deutérium dont le noyau est composé d’un proton et d’un neutron. Ceux-ci étant faiblement liés entre eux, on peut considérer en première approximation le neutron comme libre. La température et la pression de fonctionnement d’une chambre à deutérium liquide sont voisines de celles d’une chambre à hydrogène liquide.Le second type est celui dit des «chambres à liquide lourd». Nous avons vu que seules les particules porteuses d’une charge électrique étaient capables de donner les germes d’ébullition sur lesquels se matérialisent les trajectoires. Mais de nombreuses particules élémentaires (photon, neutron, neutrino, etc.) sont électriquement neutres et, par conséquent, ne donnent pas de trajectoire observable dans une chambre à bulles. En agissant soit sur des électrons atomiques (cas des photons), soit sur des noyaux atomiques, les particules élémentaires sont pourtant capables d’engendrer des particules secondaires qui, elles, sont chargées et donnent naissance à des trajectoires observables. Par exemple, au voisinage d’un noyau atomique, un photon peut se transformer en une paire de particules composée d’un électron positif et d’un électron négatif; un neutron peut être capturé par un noyau en entraînant l’expulsion hors de ce noyau d’un ou de plusieurs protons. De tels phénomènes donnent naissance à des trajectoires photographiables qui révèlent la particule neutre qui les a engendrés.Les phénomènes de ce type se produiront d’autant plus facilement que le milieu dans lequel circulent les particules neutres comporte des atomes de numéro atomique élevé. Les mélanges, en proportions variables selon les expériences, de propane et de fréons (dérivés du méthane par substitution à l’hydrogène d’atomes d’halogènes et notamment de brome) constituent un compromis entre l’utilisation d’atomes aussi lourds que possible et la nécessité de maintenir dans des limites raisonnables les difficultés techniques du fonctionnement de la chambre. Avec de tels mélanges, il est possible de détecter, dans une proportion d’environ 90 p. 100, les photons présents dans les grandes chambres. Ces chambres fonctionnent à une température de 60 0C et sous une pression de 30 kg . cm-2.Ces deux types de chambres ont fonctionné en permanence auprès des accélérateurs de plus en plus puissants entre les années 1960 et 1975. Parallèlement se développaient des études pour l’utilisation de mélanges d’hydrogène et de néon liquides, qui, tout en offrant une densité relativement élevée et rejoignant en cela l’intérêt des chambres à liquide lourd, ont des propriétés thermodynamiques voisines de l’hydrogène liquide pur. La même chambre à bulles, dite à hydrogène, peut donc désormais, selon les buts de l’expérience de physique envisagée, être remplie d’un liquide léger (hydrogène ou deutérium) ou lourd (mélange hydrogène-néon).Les dimensions des chambres ont évolué dans deux directions; on s’est attaché, d’une part, à construire des chambres «géantes», offrant un volume photographique allant jusqu’à 20 mètres cubes, afin de les exposer à des faisceaux de particules de très haute énergie fournis par les accélérateurs les plus puissants. Citons parmi les grandes chambres: la chambre à liquide lourd Gargamelle construite par le C.E.A. pour le Cern, qui fut à l’origine de découvertes fondamentales sur les interactions faibles; la chambre Mirabelle (9 m3 utiles), installée en U.R.S.S. auprès de l’accélérateur de 70 GeV de Serpoukov; la chambre européenne B.E.B.C. (Big European Bubble Chamber) de 20 m3 utiles, qui a fonctionné jusqu’en 1982 dans le faisceau de neutrinos de l’accélérateur de 450 GeV du Cern à Genève; enfin, la chambre américaine dite «de 15 pieds», de volume et de conception comparables à la B.E.B.C. Elle est installée au laboratoire Fermi, près de Chicago, devant l’accélérateur national américain de 900 GeV. Cette chambre a terminé en 1987 une campagne de prise de données sur des interactions de neutrinos sur néon de plus de 400 000 photographies classiques et holographiques.Pour améliorer les performances de ces grandes chambres, on y adjoint des dispositifs électroniques importants. Par exemple, la chambre «de 15 pieds» est équipée d’un ensemble de tubes Geiger géants de 2,2 m de longueur disposés autour de la chambre (fig. 4), permettant de recueillir des informations supplémentaires sur toutes les particules sortant de la chambre, puis d’un ensemble appelé E.M.I. (External Muon Identifier) composé d’une succession de blocs de fer et de plans de détecteurs électroniques (compteurs Geiger). Les blocs de fer sont disposés de façon à arrêter par interaction sur les noyaux de fer toutes les particules autres que les leptons 猪, qui, eux, laissent une trace de leur passage en donnant un signal électrique dans tous les plans de compteur Geiger. On peut ainsi en déduire toutes les caractéristiques (trajectoire, impulsion...) de ces leptons qui sont une des données essentielles de l’étude des interactions neutrino-matière.À l’opposé de ce qui vient d’être décrit se sont développées des chambres à bulles de très petit volume mais fonctionnant à de hauts taux de répétition, de 20 à 30 hertz (de 20 à 30 détentes par seconde). Sur ces chambres, on a poussé au maximum la résolution spatiale (de 10 à 20 猪m) afin d’étudier la production de particules à vie brève (de 10-13 à 10-12 s) qui parcourent quelques dizaines de micromètres dans ces chambres avant de se désintégrer. Mais, en optique classique, ce qui est gagné en résolution est perdu en profondeur de champ, c’est-à-dire en volume photographiable. C’est pourquoi ces chambres ont des profondeurs très faibles.Structure d’une chambre à bulles à hydrogène liquideQuelle que soit la chambre à bulles, les éléments sont semblables à des variantes possibles dans la forme ou les dimensions. Sur la figure 5 est schématisée la B.E.B.C., la chambre à bulles du Cern. Le corps de chambre en acier amagnétique ainsi que l’hydrogène qu’il renferme sont maintenus à une température d’environ 30 kelvins par des circuits de refroidissement plaqués contre la paroi extérieure. Une enceinte à vide forme un écran thermique. Un aimant supraconducteur refroidi à 4 kelvins par de l’hélium liquide et fournissant un champ de 3,5 teslas entoure l’enceinte à vide. La détente adiabatique s’effectue par l’intermédiaire d’un piston mû par un système pneumatique situé au bas du corps de chambre. La prise des clichés photographiques se fait à l’aide de cinq caméras situées au sommet de la chambre. Les flashs qui illuminent le milieu sensible sont situés à proximité des objectifs grands angulaires de type fish eye qui équipent les caméras. Enfin, l’ensemble est placé à l’intérieur d’une enceinte en acier assurant l’isolement et la protection; l’ensemble pèse environ 2 500 tonnes.7. Étude des photographies d’une chambre à bulles à hydrogène liquideAprès chaque détente de la chambre, on effectue une prise de vues du faisceau de particules et des interactions produites par celles-ci, après un délai suffisant pour permettre la croissance des bulles autour des atomes ionisés. Pour une énergie fixée du faisceau, les particules qui le composent ont une certaine probabilité d’interagir avec les noyaux cibles du milieu; une fraction seulement de la quinzaine de traces enregistrées à chaque passage du faisceau interagit dans la chambre. L’interaction produite est appelée «événement». À chaque passage du faisceau, un ensemble de plusieurs vues stéréoscopiques, au moins trois, est pris afin de permettre une restitution dans l’espace de l’événement. Pour une expérience, le nombre de triplets peut aller de 100 000 à 1 million.L’exploitation des clichés se déroule en plusieurs phases. Dans la première phase, un examen visuel de tous les triplets est effectué sur des tables de dépouillement reprojetant les photos agrandies de vingt à cinquante fois afin de localiser et de répertorier les interactions présentant un intérêt pour l’expérience. Dans une deuxième phase, on procède à la mesure des événements retenus, c’est-à-dire à l’enregistrement d’un ensemble de coordonnées relevées sur chaque projection de chaque trace photographiée, sur des tables de mesures munies de dispositifs codés reliés à un ordinateur. Les résultats sont enregistrés sur bandes magnétiques. Ensuite, ces coordonnées traitées à l’aide de programmes de géométrie élaborés conduisent à la restitution spatiale des trajectoires. Enfin, les études de physique exploitent les statistiques accumulées d’un grand nombre d’événements.8. L’holographie en chambre à bullesLa découverte, dans les années quatre vingt, de nouvelles particules à vie brève (de 10-13 à 10-12 s), les particules charmées, a stimulé la recherche de résolutions spatiales accrues en chambres à bulles. En effet, si ces particules ont une vie relativement courte aux énergies auxquelles elles sont émises, une fraction importante d’entre elles se désintégrera à une distance supérieure à quelques dizaines de micromètres de leur point d’émission; avec la résolution actuelle des grandes chambres à bulles (face=F0019 力 500 猪m), les produits de désintégration de ces particules charmées sont indiscernables des autres particules émises lors de l’interaction.L’utilisation des techniques holographiques, d’abord développées auprès des chambres à bulles de petite taille et à haut taux de répétition (cf. chap. 6, Différents types de chambres à bulles ), a permis, en 1980, d’atteindre les mêmes résolutions (20 猪m) qu’avec les systèmes optiques classiques, mais avec une profondeur de champ nettement plus importante.Le principe est le suivant: la chambre est éclairée par un laser à rubis. La lumière directe, refocalisée sur l’émulsion photographique par une lentille de champ, y engendre des anneaux d’interférence avec la lumière diffusée par les bulles. Il se forme donc des hologrammes sur le film de prise de vues. Le décodage des figures holographiques se fait de manière analogue; on éclaire le film à l’aide d’un laser identique à celui de la prise de vues et on obtient une image réelle en avant du film, ce qui permet l’observation et la mesure.La chambre «de 15 pieds» a été équipée d’un dispositif holographique (fig. 6). C’est un laser à rubis pulsé de plus de 20 mégawatts qui permet d’illuminer un volume de plus de 10 mètres cubes pendant 1 microseconde. La résolution obtenue sur les hologrammes est de l’ordre d’une centaine de micromètres alors que la résolution des optiques conventionnelles est de 500 micromètres environ.La restitution holographiquePour ces hologrammes, la restitution est particulièrement complexe et délicate. Seuls deux appareils de restitution ont été construits, l’un au laboratoire d’Honolulu aux îles Hawaii, l’autre par l’ensemble des laboratoires européens au laboratoire de Rutherford en Grande-Bretagne. La projection se fait à travers un objectif fish eye , analogue à celui qui est utilisé à la prise de vues. L’hologramme est éclairé par un laser à colorant dont la longueur d’onde est proche de celle de la prise de vues. Une lentille correctrice est ajoutée au fish eye pour tenir compte du fait que, à la restitution, les trajectoires des particules sont observées dans l’air, alors qu’à la prise de vues elles sont créées dans un mélange hydrogène-néon.Reprojeté en grandeur réelle, l’hologramme de la chambre occupe plusieurs mètres cubes, et son analyse se fait par l’intermédiaire d’une caméra de télévision mobile, ce qui permet à l’observateur d’analyser les détails de l’interaction holographiée.
Encyclopédie Universelle. 2012.